Le Sénat de Savoie est créé en 1559 par le duc Emmanuel-Philibert. A l'instar d'un parlement français, cette juridiction suprême en matière civile et criminelle est également dotée d'importants pouvoirs réglementaires et administratifs. Dont celui de conserver des testaments que des particuliers, délaissant ainsi la rédaction d'un testament olographe ou son enregistrement devant notaire, ont choisi de lui confier. Inconnue dans les parlements français et autorisée par édit du 20 octobre 1582 dans ses Etats par le duc Charles-Emmanuel, cette possibilité offerte aux testateurs de dépôt au Sénat d'un testament dit mystique ou secret - car le contenu en est en principe connu que d'eux seuls - est confirmée dans les trois versions successives des Royales Constitutions de 1723, 1729 et 1770 ; elle sera de nouveau possible de 1815 jusqu'au second et dernier rattachement du duché de Savoie à la France en 1860. Entre 1792 et 1806, le Tribunal du Mont-Blanc a continué d'ouvrir des testaments déposés (Cf. 2B 3766).

Les modalités pratiques de dépôt, de conservation et d'ouverture des testaments déposés au Sénat sont détaillées dans les 16 premiers titres du livre V des Royales Constitutions de 1723 puis de 1770, intitulé « Des dernières volontés ». Chaque jour, même férié, le testateur peut se présenter au greffe civil du Sénat où son identité est vérifiée ; il remet ensuite l'écrit de sa main ou d'un tiers dans lequel sont exposées ses dernières volontés. Le testateur malade ou handicapé doit faire constater son incapacité à se déplacer par un médecin qui établit un certificat en ce sens. Un sénateur est alors commis pour se rendre à son domicile en compagnie du secrétaire civil pour recevoir son testament et le transférer au Sénat. Auparavant, ils se sont assurés que le testateur jouit de toutes ses facultés mentales.

Dans les deux cas, le testament est remis sous une enveloppe, voire cousu et scellé. Il est aussitôt enveloppé dans une feuille de papier qui est close par le grand sceau plaqué du Sénat et sur laquelle sont indiquées l'identité du testateur et la date de dépôt, officialisés par la signature du Premier président et du secrétaire civil.

Le testament est alors placé dans l'armoire de fer installée dans le bureau du Premier président. Cette armoire ne peut être ouverte ou fermée que par deux clés différentes dont l'une reste entre les mains du Premier président et l'autre dans celles du secrétaire.

Le testateur peut à tout instant venir retirer son testament. A sa mort, l'ouverture de son testament n'est pas faite d'office puisqu'un tiers, membre de la famille ou non, doit se présenter au Sénat pour en demander expressément l'ouverture. L'armoire de fer est alors ouverte par les détenteurs des deux clés en présence en outre de deux sénateurs. Un procès-verbal d'ouverture du testament est alors dressé et signé par les magistrats et le secrétaire civil, avant que ce dernier ne le lise à haute voix en séance publique.

Edit du 20 octobre 1582 de Charles Emmanuel, dont les dispositions sont précisées par les Royales Constitutions (Livre V, Titre I°, article 1 à 16)

BORELLI, Jean Batiste, , Turin, 1681.

, publiées en 1723, Turin, 2 vol.

, publiées en 1729, Turin, 2 vol.

, publiées en 1770, Paris, 1771, 2. Vol. 459 + VIII et 506 + IX p.

ARIES Philippe,, Paris, 1975.

BIQUARD Claire, « Piété et foi dans le faubourg Saint-Germain au XIXe siècle »,1993, vo. 12, numéro 2, pp. 299-317.

GOUJARD Philippe, « Echec d'une sensibilité baroque : les testaments rouennais au XVIII siècle, , 1981, vol. 36, numéro 1, pp. 26-43.

HOURS Bernard, « Les testaments n'ont peut-être pas tout dit ; notes sur les recherches entreprises depuis 1999 à l'Université Jean Moulin Lyon III sur les archives notariales lyonnaises du XVIIIe siècle », , n°14, 2007.

LAFAGE Valérie, « Punir, récompenser : l'enseignement des testaments montpelliérains (1554-1622 ) », , 2007, vol. 3, numéro 1, page 225-248.

MALAUSSENA Paul-Louis, « les testaments présentés au Sénat de Nice (1814-1860) », , Turin, 2001, p.35-53.

VOVELLE Michel,, Paris, 1973.

De nombreuses études et monographies ont été consacrées aux grandes familles et personnages savoyards des XVIIIe et XIXe siècles. Ne pouvant les citer ici de façon exhaustive, nous renvoyons les lecteurs au site des archives départementales de la Savoie où ils pourront interroger le catalogue des bibliothèques des Pays de Savoie.

COLLOMB, Christiane, , T.E.R. sous la direction de Bernard Grosperrin, Université de Savoie, 1975.
FLEURY LACOSTE Jean, « Scène de la vie en Savoie au XIXe siècle », présenté par Sylvain MILBACH, , vol. 115, 2012, 167 p.

FORAS (E.-Amédée de), et MARESCHAL (F. de), VIRY (P. de) et YVOIRE (F. d'), , Grenoble, 1863-1950.

NICOLAS Jean, , Éd. Maloine, Paris, 1978, 2 vol.

MESSIEZ Maurice, B, Thèse, Université des sciences sociales, Grenoble, 1986.

PALLUEL-GUILLARD André, « Les notables savoyards au XIXe siècle », Grenoble, centre d'histoire et de recherches sur l'Italie et les pays alpins de l'Université de Grenoble II, 1984, pp. 69-84.

SORREL Christian, « La Savoie »,, éd. Beauchesne, 1996, 449 p.

TOWNLEY Corinne, « Des testaments déposés au Sénat de Savoie au XVIIIe siècle », , bulletin n° 23-24, 2004.